Sahara marocain : Washington redessine les règles du jeu

Le communiqué américain daté du 8 avril 2025, qui a été publié à l’issue de la rencontre entre le secrétaire d’État Marco Rubio et le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita marque une inflexion stratégique importante dans la politique américaine sur le dossier du Sahara marocain, tout en consolidant la relation bilatérale.

Derrière les formules de convenance se dessine un basculement diplomatique majeur : non seulement les États-Unis réaffirment sans ambiguïté leur reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, mais ils désignent, sans détour, le plan d’autonomie marocain comme la seule base possible pour une solution durable.

Un mot revient avec insistance : only («seul»). Le Département d’État ne laisse place à aucune ambiguïté. En réaffirmant haut et fort la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental et en désignant la proposition d’autonomie comme «la seule base» d’un règlement, les États-Unis signent une clarification stratégique qui consolide la position du Royaume et ouvre de sérieuses perspectives de règlement.

Ce qui avait été acté en 2020 sous la première présidence de Donald Trump, redevient aujourd’hui un axe structurant de la diplomatie américaine au Maghreb.

Ce n’est plus un «simple» tweet, comme certains se sont plus à l’affirmer contre toute évidence : c’est une ligne claire, répétée à plusieurs reprises dans un communiqué officiel, avec un vocabulaire sans équivoque. Washington ne parle pas seulement d’une «solution mutuellement acceptable», mais bien d’une solution dans un cadre unique : le plan marocain.

Exclusivité du cadre marocain

La reconnaissance américaine, mise en veilleuse sous l’administration Biden, est désormais réaffirmée, consolidée, et qualifiée sans équivoque de «seule voie possible». Mais le communiqué va plus loin. Il ne se contente pas de réactiver une décision, il en institutionnalise les termes. Trois fois, la position est martelée : «la seule base», «la seule solution», «le seul cadre». L’insistance lexicale sur l’exclusivité du cadre marocain est fondamentale. Elle marginalise toute autre option (référendum, partition). Dans le langage diplomatique, la répétition n’est jamais ni gratuite ni fortuite. Lorsqu’un communiqué utilise le mot «seule» trois fois pour désigner une proposition, il ne laisse aucun espace aux alternatives.

D’autre part, ce sont «les parties», pas «les deux parties», qui sont appelées à négocier, sur la base exclusive du plan marocain. Le président américain appelle à des discussions «sans délai», ce qui vise clairement l’Algérie : celle-ci est sommée de mettre fin aux atermoiements et de s’asseoir à la table des négociations. L’affaire est donc posée en termes d’ultimatum — poli mais ferme.

Et surtout, la personnalisation du message est frappante : il ne s’agit pas simplement de la voix des États-Unis, mais de celle du président Trump lui-même, cité à plusieurs reprises. L’implication personnelle du président Trump est soulignée deux fois dans le communiqué, un fait inhabituel dans ce type de readout diplomatique.

Le passage le plus stratégique du texte est la mention selon laquelle les États-Unis «faciliteraient» les progrès en vue d’un règlement. Ce n’est pas une simple formule de circonstance, mais l’indice d’un mouvement à venir. De là à songer à une initiative américaine à l’horizon, les diplomates qui aiment lire entre les lignes franchiront allégrement le pas. En octobre prochain, lors du renouvellement du mandat de la MINURSO, le porte-plume américain pourrait insérer dans la résolution annuelle du Conseil de sécurité une mention explicite au plan marocain comme cadre unique de négociation.

Un tel ajout constituerait un tournant majeur. Jusqu’ici, les résolutions onusiennes ont toujours maintenu un équilibre précaire, prenant acte de la proposition marocaine mais aussi d’une vague proposition du Polisario et évoquant une «solution mutuellement acceptable» sans jamais trancher.

En désignant un cadre unique, les États-Unis redessinent les contours du processus politique, forçant l’ONU à faire preuve d’audace. Ce faisant, les États-Unis ne contournent pas le processus onusien, ils l’orientent dans une direction constructive et poussent à sortir de l’impasse qui dure depuis cinquante ans.

Une avancée majeure pour la paix

L’engagement américain assumé met sous pression l’Algérie, unique soutien du Polisario. Quelle sera la réaction d’Alger ? L’agressivité diplomatique est une constante dans sa doctrine dès que le Maroc obtient un soutien international fort sur le Sahara. Cependant, une riposte brutale sur le modèle des crises qui ont marqué les relations du régime algérien avec Madrid ou tout récemment avec Paris est à exclure. Isolé et sans alliés, le régime algérien «n’a pas de cartes», pour reprendre une formule trumpienne. Sa marge de manœuvre est extrêmement limitée, pour ne pas dire nulle. Le recours à Moscou serait l’option la plus logique mais la Russie n’a ni l’intérêt ni la capacité de contrecarrer la dynamique actuelle. Embourbée ailleurs, la Russie pourrait se contenter d’un soutien davantage rhétorique que décisif au Conseil de sécurité, où elle a pris l’habitude de s’abstenir et de protester pour la forme.

La presse algérienne, plus ou moins orientée, s’insurgera vraisemblablement, mais sans excès, et tentera de minimiser la portée du communiqué américain du 8 avril. Ce sera une «indignation» contrôlée car le régime algérien sait se faire violence quand il le faut et, à l’heure actuelle, il a assez de tracas. De toute façon, le réflexe de confrontation n’est plus audible sur la scène internationale.

En désignant unilatéralement «la seule solution», Washington redessine les règles du jeu. En réalité cette clarification américaine ne fait que rejoindre ce que beaucoup d’acteurs internationaux pensent tout bas : la seule solution viable, juste et durable passe par une autonomie sous souveraineté marocaine. La liste des États qui se sont ralliés à cette thèse s’allonge tous les jours. Désormais, la première puissance mondiale met tout son poids dans la balance : c’est une belle victoire diplomatique pour le Maroc, c’est une avancée majeure pour la paix.

Leadership marocain

Le reste du communiqué en dit long sur l’architecture géopolitique qui se dessine. On y insiste sur la solidité du partenariat bilatéral et sur le rôle moteur du Maroc dans les dynamiques régionales. Autrement dit, au-delà du dossier du Sahara, le Maroc est présenté comme un partenaire-clé de l’ordre régional promu par Washington. Ce discours s’inscrit dans la logique du «deal-making» version Trump. Le Maroc joue le jeu avec brio, en affichant une stabilité et une ouverture remarquables, ainsi qu’un leadership discret mais effectif — ce que la diplomatie américaine sait valoriser.

Le Maroc est positionné comme un acteur stabilisateur, capable de dialoguer avec Israël mais aussi de contribuer à une paix «pour les Israéliens, les Palestiniens et tous les peuples de la région». L’éloge du «leadership marocain» constitue une légitimation régionale précieuse, qui vient conforter le Maroc dans ses choix stratégiques, malgré les vents contraires.

Enfin, l’allusion à l’élargissement de la coopération commerciale montre que l’administration Trump, par-delà l’enjeu des droits de douane, veut faire de l’axe Washington-Rabat un partenariat complet, qui dépasse les questions militaires ou géopolitiques.

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