Sahara : États-Unis, France; deux voies, un seul but

Les États-Unis et la France se sont engagés aux côtés du Maroc dans la question du Sahara. Y a-t-il des divergences entre les deux pays ? Voyons leurs positions respectives sur la souveraineté, le plan d’autonomie, la solution envisagée et les moyens pour y parvenir.

Sur un plan général, chacun à sa manière, les deux pays ont pris un engagement :

• Les États-Unis comptent faciliter les progrès vers une solution.

• La France, elle, estime qu’«il est temps d’avancer» et «appelle l’ensemble des parties à se réunir», la solution étant «désormais à portée de main.» Elle entend agir en cohérence avec sa position à titre national et au niveau international. Elle considère la poursuite du développement économique et social des provinces du sud comme un impératif et assure que la France «accompagnera (le Maroc) dans cette démarche au bénéfice des populations locales.»

Souveraineté marocaine

Les deux pays reconnaissent la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Cependant, la déclaration américaine est explicite et sans ambiguïté :

«Les États-Unis reconnaissent la souveraineté marocaine sur l’ensemble du territoire du Sahara occidental.»

«…l’ensemble du territoire du Sahara occidental fait partie du Royaume du Maroc.»

Nous sommes en présence d’un acte unilatéral non équivoque de reconnaissance de souveraineté pleine et entière, sans condition. En son temps, la proclamation avait marqué une rupture avec la tradition diplomatique américaine sur le dossier. Elle se situe au niveau le plus élevé dans la hiérarchie des soutiens au Maroc, dépassée seulement par les États du Golfe qui, outre le soutien du plan d’autonomie et la reconnaissance de la souveraineté marocaine, plaident pour la préservation «de la sécurité et de la stabilité du Maroc et de son intégrité territoriale.»

En ce qui concerne la France, le président Emmanuel Macron dans sa lettre au roi Mohammed VI, datée du 31 juillet 2024, a écrit :

«Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine.»

Admirons au passage l’habileté de la formule, une prouesse de style diplomatique. Tout est dit — et pourtant tout reste à dire. Il y a dans cette phrase une élégance rare : la synthèse parfaite du flou artistique maîtrisé et de l’intention affirmée.

La formulation française est tout en nuances : elle n’utilise pas le terme juridique fort de «reconnaissance», mais suggère une reconnaissance implicite, de facto. Il s’agit plutôt d’une affirmation politique, compatible avec les résolutions de l’ONU.

L’autonomie, la seule solution

Les États-Unis, comme la France, soutiennent le plan d’autonomie marocain et le proclament comme «la seule solution» ou «seule base de solution.»

Pour les États-Unis, l’autonomie est l’unique option viable, à l’exclusion de toute autre option :

« … soutien à la proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste du Maroc comme seule base d’une solution juste et durable au différend ».

« Une véritable autonomie sous souveraineté marocaine est la seule solution possible ».

Pour la France, le «soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant.»

«L’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue.»

«Le plan d’autonomie constitue désormais la seule base pour une solution.»

Entre les États-Unis et la France, il n’y a pas de divergences sur la finalité, bien que la forme diffère. Les deux pays considèrent que l’issue du dialogue (discussions pour les États-Unis, négociations pour la France) doit être l’intégration du Sahara occidental au Maroc dans le cadre d’une autonomie. Sur ce point, les États-Unis sont clairs : l’indépendance est exclue – «Un État sahraoui indépendant n’est pas une option réaliste.»

La France, là encore, est dans l’implicite : le plan marocain est «la seule base» possible, donc tout autre scénario est écarté en pratique.

Il n’y a donc pas de divergence entre les deux pays sur l’issue souhaitée, mais des différences de doctrine apparaissent au niveau des moyens de parvenir au but ultime.

Chemins différents

La reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara par proclamation présidentielle a créé une base de légitimité propre. Washington a fixé d’autorité les règles du jeu dans un sens favorable au Maroc et pris une position tranchée et exclusive.

Les États-Unis exhortent les parties à engager des discussions, mais ne précisent pas dans quel cadre. Ils ne font pas de référence aux résolutions ni au processus onusien. Est-ce à dire qu’ils veulent contourner ou «court-circuiter» l’ONU ? Peut-être ne croient-ils simplement pas en l’efficacité de la machine onusienne et de ses envoyés personnels.

Le 8 avril, le secrétaire d’État Marco Rubio a réitéré la position des États-Unis et réaffirmé l’appel du président Trump pour que les parties s’engagent dans des discussions en utilisant la proposition d’autonomie du Maroc comme seul cadre, mais il n’a pas mentionné l’ONU ni exprimé un soutien au travail de l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura.

Deux jours plus tard, le même De Mistura a précisément été reçu par la Sous-secrétaire d’État aux Affaires politiques Lisa Kenna, qui lui a rappelé les déclarations de Rubio. Le tweet de Kenna ne contient pas un mot de soutien ou d’encouragement.

En revanche, la France maintient une ambivalence stratégique, certes favorable au Maroc mais respectueuse du cadre onusien. La formulation française garde un ancrage diplomatique multilatéral : Le plan d’autonomie constitue la seule base pour une solution mais celle-ci doit être «conforme aux résolutions du Conseil de sécurité.»

La France ne ferme pas totalement la porte à d’autres processus, tant qu’ils s’inscrivent dans le cadre onusien. Elle privilégie un dialogue, mais cadré. La France laisse une place au compromis et à la médiation internationale, ce qui suppose que la solution soit entérinée non seulement par les parties, mais multilatéralement.

Les États-Unis ont voulu activer une solution rapide. Pour eux, le Sahara doit rester marocain, le processus est secondaire.

Pour la France, le processus est aussi important que la finalité : le Sahara doit rester marocain, mais il faut respecter le cadre multilatéral et le canal onusien.

Pour le Maroc, l’essentiel est le résultat.

D’aucuns, au Maroc, voient dans la position de la France et des États-Unis, et d’autres pays, un double langage : d’un côté, ces pays reconnaissent la souveraineté du Maroc sur son Sahara, ou appuient le plan d’autonomie marocain mais de l’autre, ils appellent à des négociations entre les parties, soit bilatéralement soit à l’ONU.

Il n’y a pas de contradiction. C’est un peu comme quelqu’un qui, dans une querelle, donne raison à son ami et le soutient, mais qui, en même temps, insiste sur la nécessité de respecter la procédure et recommande de négocier. Il exprime son point de vue et affirme son soutien, mais renvoie à une procédure pour aboutir à une solution formelle, validée définitivement. Il ne faut pas perdre de vue que la France et les États-Unis sont tous deux des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et du Groupe des amis du Secrétaire général pour le Sahara et ont, à ce titre, des responsabilités particulières. Ils figurent, en outre, dans la proposition d’autonomie comme garants de l’application de l’accord par les parties.

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