Remaniement : « la sous-représentation politique des femmes dans le gouvernement ne va pas de pair avec les orientations de la Constitution de 2011 »

Aujourd’hui, le Maroc célèbre la journée nationale de la femme marocaine, une journée qui met en avant la lutte pour les droits des femmes et notamment pour la réduction des inégalités par rapport aux hommes. Toutefois, il s’avère que ces inégalités perdurent. L’exemple le plus probant est la place très réduite occupée par les femmes dans la nouvelle architecture gouvernementale.

Après 72 jours d’attente, la composition du nouveau gouvernement a été dévoilée hier. Il s’agit d’un gouvernement très resserré et recentré. Toutefois, cette nouvelle architecture reflète une sous-représentation politique des femmes qui restent largement absentes de la sphère politique. C’est un coup dur que vient d’encaisser la représentation politique des femmes.

En effet, le nouveau gouvernement El Othmani II annoncé, ne compte que 4 femmes : Jamila EL Moussali, ministre de la Solidarité, du Développement social, de l’Egalité et de la Famille (PJD) ; Nadia Fettah Alaoui, ministre du Tourisme, de l’Artisanat, du Transport aérien et de l’Economie sociale (sans étiquette) ; Nezha Bouchareb, ministre de l’Aménagement du Territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville (MP) et Nezha El Ouafi, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains Résidant à l’Etranger (PJD).

Le tissu associatif qui milite pour les droits des femmes et pour l’instauration de la parité hommes-femmes en est resté muet de stupéfaction. Au-delà du fait que les femmes ne représentent que près de 17% ( plus exactement 16.66%) du gouvernement actuel, c’est une islamiste qui a tient, désormais, les rênes du ministère de la Solidarité, du Développement social, de l’Egalité et de la Famille.

Le sort de l’égalité et de la parité hommes-femmes est désormais entre les mains d’un parti conservateur et qui fait, malheureusement, commerce de la religion pour véhiculer ses idées misonéistes. C’est par le biais de ces mots que Saida Drissi, farouche militante pour les droits de la femme, s’est exprimée au sujet de la nomination de Jamila El Moussali à la tête du ministère de la Solidarité, du développement social, de l’Egalité et de la Famille. « Rien ne va, désormais, changer. Il ne faut pas se jeter de la poudre aux yeux. Ce portefeuille ministériel, de la plus haute importance, est entre les mains du PJD dans un gouvernement qui ne peut être que conservateur. Le cocktail est là pour bien réduire en miettes ce qui a été précédemment fait. Ce n’est pas parce qu’on a accordé à une femme un ministère chargé des questions liées à la famille et à l’égalité que forcément il y aura un changement dans un futur proche et qu’elle fera bien des miracles », a-t-elle expliqué.

Pour elle, c’est toute la ligne politique [celle du PJD] qui sera maintenue. « Les idées politiques du PJD seront toujours présentes et feront pièce aux progrès réalisés étant donné que le conservatisme et la conception [du parti] par rapport à l’égalité et à la parité hommes-femmes qui prédomineront dorénavant« , a-t-elle indiqué tout en précisant que l’architecture du nouveau gouvernement affiche clairement son identité et sa manière de perception des femmes. « Le PJD posera certainement encore son empreinte qui oppose un niet catégorique à l’égalité, au débat social sur les libertés individuelles mais surtout à la question de l’avortement« , a-t-elle confié.

Contacté par Barlamane.com/fr, Rachid Lazrak, expert en droit constitutionnel et spécialiste des affaires parlementaires et partisanes, affirme que la sous-représentation politique des femmes dans le gouvernement ne va pas de pair avec les orientations générales de la Constitution de 2011 et ce, même si le principe d’égalité entre hommes et femmes au Maroc a été institué dans la Constitution de 2011  au niveau de l’article 19. « Aujourd’hui, les structures et les pratiques de l’engagement politique au Maroc s’appuient sur une logique patriarcale même si la plupart des partis politiques se créent l’illusion d’être modernes et guerroient contre le patriarcat. Alors que le RNI et l’USFP lancent constamment des appels à l’égalité, les ministres qui leur représentent ne sont, en aucun cas, des femmes. En plus de cela, la plupart des ministres, affiliés aux partis politiques qui font partie de la coalition gouvernementale, sont des hommes [ndlr : seulement 3 ministres sur les 14 ministres affiliés aux partis politiques sont des femmes, soit un pourcentage de 21.5%]« , a-t-il précisé.

S’agissant de la nomination de Jamila El Moussali, qui remplace aujourd’hui Bassima Hakkaoui, à la tête du ministère de la Solidarité, du Développement social, de l’Egalité et de la Famille, M. Lazrak affirme que ce choix reflète l’intelligence politique d’El Othmani et de son parti étant donné que ce portefeuille ministériel revêt d’une importance capitale. « Le parti de la Lampe ne pouvait absolument pas renoncer à ce maroquin. Alors que c’est le parti de l’Union Socialiste des Forces Populaires qui était le plus apte à tenir les rênes de ce ministère, le Premier secrétaire du parti a fait preuve d’ambitions personnelles pour assurer la direction du ministère de la Justice. Sans aucun doute, le PJD se lance, dès maintenant, aux préparatifs de sa prochaine campagne électorale étant donné qu’il a choisi de piloter un ministère qui s’occupe des affaires sociales qui intéressent, le plus, les électeurs« ; a-t-il affirmé.

Il semble ainsi que la journée nationale de la femme marocaine est célébrée dans un contexte d’un remaniement où la représentativité féminine reste mineure. Une question qui fait sortir la société civile de ses gonds. En effet, la sous-représentation des femmes ainsi que leur accès aux mandats électifs et exécutifs cristallise les mécontentements

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