Régularisation fiscale : 127 milliards de dirhams déclarés, parmi lesquels 77 milliards non traçables

La régularisation volontaire des situations fiscales des personnes physiques a permis de mobiliser 127 milliards de dirhams, a annoncé Younes Idrissi Kaitouni, directeur général des impôts, lors d’une conférence économique à Casablanca. Cette opération, inscrite dans le cadre de la stratégie nationale de réforme fiscale, aspire à élargir l’assiette contributive et à lutter contre l’économie informelle.

Sur ce montant, deux milliards de dirhams ont été déclarés auprès de l’Office des changes. Ces montants concernent essentiellement des avoirs détenus à l’étranger, notamment des comptes bancaires offshore, des portefeuilles d’actifs financiers ainsi que des biens immobiliers non déclarés. La régularisation de ces fonds permet non seulement de rapatrier des capitaux mais aussi de renforcer la traçabilité des flux financiers transfrontaliers.

Les 125 milliards de dirhams restants proviennent de régularisations en numéraire direct soumises à un prélèvement libératoire de 5 %. Ce taux avantageux a été conçu pour inciter les contribuables à se conformer à leurs obligations fiscales sans craindre des poursuites rétroactives. Selon des sources proches du dossier, une part significative de ces montants provient d’activités commerciales non formalisées et de revenus non déclarés issus du secteur informel, qui représente encore près de 30 % de l’économie nationale.

Provenance peu claire

Le directeur général des impôts a précisé que 48 milliards de dirhams ont été signalés directement à l’administration fiscale. Il s’agit de fonds provenant de comptes courants d’associés, d’investissements non déclarés et de revenus soumis à des redressements fiscaux à la suite de contrôles approfondis. Cette somme inclut également des montants résultant de procédures de vérification fiscale, notamment des ajustements liés à des écarts de facturation, des transferts de bénéfices illicites et des sous-déclarations de chiffre d’affaires.

Plus de huit millions de personnes ont participé à cette opération de régularisation. Ce chiffre, bien qu’impressionnant, reflète également les défis persistants en matière de civisme fiscal. Idrissi Kaitouni a souligné que les déclarants identifiés sont bien connus de l’administration fiscale grâce à l’interconnexion des bases de données fiscales, bancaires et foncières. En revanche, les 77 milliards de dirhams déposés auprès des établissements bancaires restent en grande partie opaques, l’administration ne disposant pas des prérogatives nécessaires pour lever le secret bancaire sans procédures judiciaires préalables.

L’opération a généré des recettes de l’ordre de six milliards de dirhams pour le Trésor public sur deux années. Une part importante de ces recettes a été allouée à la réduction du déficit budgétaire et au financement des programmes sociaux, notamment la généralisation de la couverture sociale et la réforme du système de santé.

M. Idrissi Kaitouni a également évoqué la nécessité de renforcer la coopération internationale en matière d’échange d’informations fiscales. Il a insisté sur l’importance de l’adhésion du Maroc aux normes de l’OCDE sur la transparence fiscale et l’échange automatique d’informations, qui constituent des leviers essentiels pour lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux.

Cette initiative s’inscrit dans une orientation plus large de modernisation de l’administration fiscale avec le déploiement de plates-formes numériques de déclaration et de paiement en ligne ainsi que l’utilisation de l’intelligence artificielle pour le croisement des données et la détection des anomalies fiscales. Un projet de loi en cours d’élaboration entend renforcer les sanctions en cas de fraude fiscale, tout en prévoyant des mécanismes incitatifs pour les contribuables de bonne foi.

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