Maroc : nouvelle flambée des prix des carburants, le silence de Aziz Akhannouch sur la régulation du marché devient lourd

Les critiques pointent surtout une absence de régulation sur les marges appliquées par les distributeurs, des écarts de prix difficilement justifiables et le silence coupable d’un homme qui refuse d’agir : Aziz Akhannouch

Dès le lundi 3 février, les stations-service marocaines appliqueront une nouvelle hausse des prix des carburants, avec une augmentation de 0,58 dirham par litre de gazole et 0,60 dirham pour l’essence, selon des sources professionnelles du secteur. Ce renchérissement s’inscrit dans une orientation haussière persistante qui, depuis la libéralisation du marché en 2015, continue de nourrir de vifs débats sur les mécanismes de formation des prix et l’effet des choix stratégiques en matière énergétique.

Le Maroc importe la totalité de ses besoins en produits raffinés, après l’arrêt en 2015 de la raffinerie Samir, jadis unique infrastructure de transformation du brut du pays. Cette dépendance à l’international expose le marché marocain aux fluctuations des cours mondiaux, mais les critiques pointent surtout une absence de régulation sur les marges appliquées par les distributeurs, des écarts de prix difficilement justifiables et le silence coupable d’un homme : Aziz Akhannouch

Actuellement, selon des sources du secteur, un tonne de gazole se négocie à environ 745 dollars sur le marché international. À son arrivée dans les ports marocains, il revient à 6,65 dirhams le litre, un prix auquel s’ajoutent les droits de douane, la TIC (taxe intérieure de consommation), la TVA ainsi que les marges des importateurs et distributeurs. Résultat : un prix final avoisinant 11,50 dirhams le litre à la pompe.

L’essence, pourtant moins onéreuse sur le marché international, est importée à 5,98 dirhams le litre, mais subit un ajustement tarifaire qui porte son prix final à 13,40 dirhams. Un paradoxe régulièrement dénoncé par les observateurs, d’autant que dans plusieurs pays comparables, le différentiel entre l’essence et le gazole reste bien moins marqué.

Une simulation chiffrée pour illustrer l’impact de la libéralisation

Dans ce contexte, Houcine Elyamani, secrétaire général du Syndicat national du pétrole et du gaz et président du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole, critique vertement la politique de libéralisation adoptée en 2015.

Selon lui, si le Maroc appliquait encore l’ancienne structure de régulation, les prix seraient bien inférieurs. Il avance des estimations précises : le gazole aurait été vendu à 10,68 dirhams le litre en février 2025, soit 0,82 dirham de moins que son prix actuel. L’essence, lui, aurait coûté 11,58 dirhams le litre, ce qui représente 1,82 dirham d’écart avec le prix pratiqué aujourd’hui.

Ces écarts ne s’expliquent pas uniquement par la fiscalité. Les marges appliquées par les distributeurs ont connu une expansion notable depuis 2015, un phénomène largement documenté par des études indépendantes, mais qui n’a donné lieu à aucune intervention réglementaire du gouvernement.

Le spectre de la raffinerie Samir : un levier pour la souveraineté énergétique ?

Pour M. Elyamani, la solution passe par la réactivation de la raffinerie Samir, dont l’arrêt contraint le Maroc à dépendre exclusivement des importations de produits finis, sans aucune capacité d’amortissement des variations de prix. «Le Maroc a abandonné un outil stratégique qui lui aurait permis non seulement de stabiliser les prix sur le marché intérieur, mais aussi de constituer des stocks stratégiques, une pratique essentielle pour garantir la sécurité énergétique du pays», souligne-t-il.

Avant son arrêt, la Samir couvrait environ 64 % des besoins nationaux en raffinage, tout en assurant une capacité de stockage bien supérieure à celle actuellement détenue par les opérateurs privés. Aujourd’hui, les stocks de carburants dans le pays restent inférieurs aux standards internationaux, exposant le Maroc à des tensions d’approvisionnement en cas de crise géopolitique majeure ou de choc sur les marchés.

Un débat politique en suspens

Malgré ces enjeux, le gouvernement reste tacite sur une éventuelle révision du cadre réglementaire en vigueur. Aucune annonce n’a été faite sur une refonte de la structure fiscale des carburants, ni sur la réouverture de la Samir, dont la liquidation traîne en longueur depuis près d’une décennie. L’opposition et plusieurs syndicats réclament un retour au contrôle des prix, arguant que l’actuel système profite essentiellement aux grandes compagnies de distribution. Mais l’exécutif, soucieux de préserver un cadre économique libéral, privilégie jusqu’à présent une approche de statu quo.

Pendant ce temps, les consommateurs subissent de plein fouet les effets de cette politique. Dans un contexte d’inflation persistante et de pouvoir d’achat sous pression, la hausse annoncée du 3 février ne manquera pas de raviver les contestations autour du coût des carburants et des choix énergétiques du gouvernement de Aziz Akhannouch.

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