Maroc-Espagne : Rabat entend uniquement les annonces claires de diplomatie préventive et proactive

Les déclarations d’officiels espagnols liées au rétablissement des relations « normales » avec le Maroc exprimées depuis la mi-janvier, et sur lesquelles se focalisent notamment les deux agences de presse publique, EFE, et privée, Europapress donnent à réfléchir sur plusieurs plans. Tout d’abord sur la teneur de ces annonces et sur les recours de réchauffement de ces relations tumultueuses, dont l’origine remonte à la tentative par l’Espagne d’infléchir la décision de l’administration de Trump de reconnaissance du Sahara marocain, exacerbée par l’affaire Brahim Ghali.

Même la carte royale espagnole a été utilisée pour adoucir la position marocaine. En vain (le 17 janvier lors du passage de Felipe VI au stand Maroc au Fitur). 

Mais pourquoi le Maroc, fervent adepte de la politique de la main tendue, semble ignorer celle de son voisin méditerranéen qui est aussi son premier partenaire commercial ? 

La réponse réside probablement dans la politique espagnole d’un pas en avant deux en arrière qui dément les discours officiels. 

On pourrait citer le relèvement des fonctions d’Arancha Gonzales Laya comme signe de désaveu de sa décision d’infiltrer et d’exfiltrer Brahim Ghali sur le territoire espagnol, que démentira quelques mois plus tard, sa décoration de l’ordre royal espagnol ; bien qu’aucun fait d’arme ne lui est reconnu de tout son court mandat. La diligence louable de la justice espagnole sur l’entrée frauduleuse de Brahim Ghali est, elle aussi, contrebalancée par le « manque » de preuves malgré des témoignages de sécuritaires au moment des faits. 

Les signaux mixtes du gouvernement espagnol sont, depuis, de mise.

Néanmoins, les agences de presse du pays adressent des alertes aux chefs de gouvernement et de la diplomatie depuis le 17 janvier 2022, soit la veille de la rencontre de préparation du sommet de l’OTAN entre Blinken et Albarez. Ce dernier avait annoncé en amont et après la réunion à Washington, mettre le Maroc au cœur des discussions entre les deux ministres pour résoudre le conflit du Sahara. 

Son espoir ayant été déçu côté américain, le gouvernement espagnol s’est empressé de proposer un rapprochement au Maroc. Entre le 19 et le 22 janvier, plusieurs dépêches sont publiées quotidiennement, par EFE et Europapress, reprenant l’assurance officielle de pouvoir dépasser la crise (sans décliner publiquement une quelconque mise en œuvre) avec le Maroc, un pays à soigner, aux antipodes du ton adopté jusqu’au 18 inclus. 

Deux dépêches interpellent particulièrement le lecteur. Elles comparent le rôle de l’Espagne à celui du Maroc dans la stabilité régionale et mondiale.   

La première émane d’EFE qui reprend le discours de Felipe VI empreint de fierté et de reconnaissance vis-à-vis de l’UNOCT (ONU contre le terrorisme) annonçant que Madrid accueillera un bureau régional de l’ONU contre le terrorisme. 

La dépêche insiste sur le fait que ce bureau régional de Madrid rejoint le Bureau Programme que l’UNOCT a ouvert au Maroc en juin dernier, et qui est le premier sur le continent africain, avec pour mission de coordonner le travail des agences visant à lutter contre la violence politique en Afrique. 

Et pour cause, le bureau Maroc est le seul Bureau Programme consacré nominativement à la formation dans le domaine du Contre-Terrorisme à même de dispenser des formations sur mesure aux pays de l’Afrique du Nord et de l’Afrique Sub-saharienne. Pour ce faire,  un pays, outre ses approches sécuritaires et de renseignement, doit avoir la capacité effective d’identification, de développement et de dissémination de standards comportementaux liés au respect et à la protection des Droits de l’Homme.  La confiance onusienne en direction du Maroc est claire : l’ONU n’aurait pu assigner au Maroc la tâche de former aux standards comportementaux liés au respect et à la protection des Droits de l’Homme si son espace de liberté et de droit n’était pas régi par un cadre institutionnel juridique évolutif et crédible. 

La mention par EFE de la prééminence du bureau programme Maroc est aussi un message limpide en direction des chefs du gouvernement espagnol et de la diplomatie. Elle les invite surement à revoir  dans les faits, leur approche Maroc, les grandes puissances et les institutions internationales aux systèmes de surveillance et de renseignements ultra sophistiqués, ne pouvant être abreuvées de contrevérités.

EFE montre également par là-même, que l’Espagne a besoin de l’expertise du Maroc en termes de lutte contre le terrorisme, de sécurité et de visibilité des opérations tant sur le plan bilatéral que multilatéral avec tous ses mécanismes de coopération policière, judiciaire, de renseignement et de traitement digne de l’élément humain dans ces opérations.

Europapress, rebondit aussi sur cet aspect et avise non seulement sur l’effet nul des flatteries et promesses sur le Maroc mais aussi sur la place du royaume à l‘OTAN.  La dépêche signée Fermín Bocos le 22 janvier dernier, tout en soulignant qu’en tant qu’ancien colonisateur du Nord et du Sud marocains, le différend autour du Sahara finit toujours par « toucher » l’Espagne, s’inquiète de l’action gouvernementale contradictoire vis-à-vis du Maroc sur deux plans : 

– Le méjugement du gouvernement espagnol sur la solidité de la position marocaine 

– Son méjugement quant à la réalité de la force de frappe marocaine et de la vision que les puissants dirigeants occidentaux ont du pays, loin des agendas politiques de ses voisins. 

Le journaliste politique analyse que « compte tenu de la pression constante exercée sur les frontières de Ceuta et Melilla, avoir autorisé l’entrée de Brahim Ghali se révèle être une erreur politique. Le Maroc continuera à faire pression. Et n’oublions pas qu’en cas de conflit à Ceuta ou Melilla, l’OTAN nous laisserait seuls».

En clair, il signifie que les relations internationales ne reposent plus sur la proximité géographique mais sur les actions crédibles et les visions communes qui ne s’arrêtent pas aux discours

Les deux agences de presse espagnoles ont publié une analyse factuelle de la méconnaissance du gouvernement Sanchez du Maroc et des réalités géostratégiques, sans interférences idéologiques. L’approche dans ces deux dépêches montre qu’il serait non seulement réducteur mais faux de dissocier la sécurité des principes de droit international dans toutes ses composantes : de la dignité de l’humain à la souveraineté nationale, en passant par la réciprocité en relations internationales.

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