Les innombrables défis de Mohamed Benchaâboun

Alors que Mohamed Benchaâboun tente de concevoir un régime fiscal qui diminue les distorsions préjudiciables au bien-être et à la croissance nationale tout en tentant d’atteindre les objectifs assignés en termes de recettes et de redistribution. C’est compter sans la ligne de précaution et de liquidités imposée par le FMI depuis 2012-2013.

Les besoins en ressources ont poussé Benchaaboun à annoncer une amnistie fiscale qui reconfigure la relation tripartite, contribuables-administration fiscale-pouvoirs publics pour les exilés fiscaux, désormais soumis à une petite pénalité de 5 % en guise de redressement. Cette clémence face à la transgression de la loi fiscale, faisant fi des procédures de contrôle établies pour s’assurer de la sincérité des déclarations pour tous les contribuables en a offusqué plus d’un. En réalité ce PLF, comporte 4 amnisties : la première est générale à propos des exercices fiscaux 2016 à 2018 que le contribuable aurait omis de déclarer, la deuxième concerne les loyers, la troisième le blanchiment d’argent, la dernière concerne la fuite des capitaux. Mais les problèmes de Benchaâboun, pour collecter de l’argent et dans la manière de les collecter ne s’arrêtent pas à ce niveau.

Benchaaboun fait également face aux mécontents de l’article 9 du projet de loi de finances (PLF 2020) : il s’agit des citoyens concernés par les spoliations, et des magistrats qui s’insurgent contre l’insaisissabilité des biens de l’Etat ainsi que sur l’atteinte à l’indépendance du corps judiciaire et de ses jugements.

En plus de cet article de la discorde, certaines mesures fiscales du PLF suscitent la grogne chez les entrepreneurs. Si certaines aboutissent à l’allègement des charges fiscales sur les bénéfices des entreprises, d’autres, qui pèsent sur la dépense de consommation (TVA par exemple), visent leur alourdissement. L’impôt sur les sociétés, ou la cotisation minimale qui aggravent la situation de l’entreprise, sont au nombre des doléances également. 

L’étendue de l’autorité attribuée au ministre chargé des responsabilités économiques et financières, Mohamed Benchaâboun a été soumise à d’importantes variations. Alors qu’il vient d’intégrer le tour de table du fonds de Ithmar Capital, le ministre «doit honorer ses engagements [de l’Etat] et injecter la part relative à la levée de fonds d’ici fin 2019 date d’échéance du délai trois ans» rapporte Ecoactu sur la base du rapport sur les entreprises et établissements publics disponible sur le site du ministère, puisqu’en décembre 2016 « l’État marocain a hissé de 3 milliards de dirhams le capital du Fonds ». Et de s’interroger : «où Benchaâboun ira piocher sa quote-part ?» 

Mohamed Benchaâboun tente de dégager une vue d’ensemble des innombrables opérations qui seront effectuées par les Finances publiques au cours de l’année 2020 et des interactions entre ces opérations et la situation économique générale. Malgré l’effort accompli depuis plusieurs années par le ministère des Finances pour introduire plus de souplesse dans la présentation des comptes publics, le caractère provisoire et largement approximatif de la plupart des indications relatives à l’année prochaine dans son ensemble reste prégnant. 

Depuis le début de l’ère des gouvernements islamistes au Maroc, les PLF et Lois de finances sont dictés par les institutions financières. Rappelons que depuis 2012, le Maroc signe une Ligne de Précaution et de Liquidité (LPL) avec le Fonds Monétaire International (FMI). D’ailleurs, comme le rappelle l’économiste Najib Akesbi la 4ème ligne de précaution vient d’être renouvelée en juin, qui en fait, en réalité un programme d’ajustement sous formes de conditionnalités : le PLF est une loi qui porte « le sceau de l’orthodoxie financière dans la continuité de ce que le Maroc fait sous l’égide des institutions financières internationales » C’est ainsi que certaines mesures, selon le changement des stratégies de ces institutions, sont prises en contradiction avec des politiques fiscales antérieures…

Côté affaires internes, le climat n’est pas au beau fixe non plus. Le bureau national de l’Union nationale des syndicats démocratiques des finances, affilié à membre de l’Union des travailleurs marocains (UMT), a déclaré entamer une grève nationale 27 et 28 novembre et participer au mouvement contestataire prévu le 27 novembre à Rabat en raison d’une déficience de la mise en œuvre des engagements actés lors du dernier dialogue social. Le bureau national dans un communiqué, a détaillé les raisons de tension au sein du ministère des Finances, la mise en place d’un régime de retraite complémentaire, l’instauration de négociations ouvertes sur le projet de statut de fonctionnaire, la résolution du problème des transferts arbitraires que connaît la Trésorerie générale du Royaume, la modernisation des services sociaux et l’augmentation des allocations de base pour le personnel du ministère. Le syndicat a également condamné les retenues injustifiées sur les salaires des grévistes et les limitations contraignantes du droit de grève, alors que l’affirmation de ce droit est mentionnée dans la Constitution et les textes internationaux de sauvegarde des droits de l’homme plaide en faveur de son universalité.

Benchaaboun, outre le dossier social interne explosif qui l’attend cette semaine, devra faire face au caractère aléatoire du taux de croissance du PIB fixé dans le PLF à 3,7%, puisque cet objectif est fondé sur l’hypothèse d’une récolte céréalière de 70 millions de quintaux, un cours moyen du pétrole à 67 dollars le baril et un prix moyen du gaz butane à 350 dollars la tonne. Inshallah si l’on peut se fonder sur des prévisions régies par une situation moyen-orientale des plus instables et une année agricole qui a mal démarré. 

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