Le Maroc confronté à une flambée de rougeole sur fond de réticence vaccinale

Une vague de rougeole, marquée par une recrudescence alarmante des cas et une saturation des hôpitaux, frappe durement le Maroc, touchant écoles et prisons et faisant plusieurs dizaines de victimes. Face à cette crise sanitaire, les autorités se heurtent à un défi supplémentaire : la persistance de théories complotistes anti-vaccination. La maladie s’est propagée à travers le pays depuis l’été 2024, atteignant même les établissements pénitentiaires où détenus et personnels ont été infectés. Lorsque l’état d’épidémie a officiellement été déclaré, la rougeole avait déjà contaminé 25 000 personnes et causé 120 morts selon des chiffres officiels.

«Nous avions atteint le stade d’élimination, avec moins d’un cas par million d’habitants par an», rassure le porte-parole du ministère de la santé, cité par The New Arab. «Aujourd’hui, nous sommes revenus à la phase de contrôle. Il faut agir rapidement.»

Selon les experts, la résurgence de la rougeole est directement liée à la baisse des taux de vaccination, aggravée par des lacunes dans la surveillance épidémiologique et une méfiance croissante envers les vaccins. Ce scepticisme, exacerbé par la désinformation diffusée durant la pandémie de Covid-19, a contribué à fragiliser l’immunité collective.

Extrêmement contagieuse, la rougeole se transmet par voie aérienne, notamment via la toux et les éternuements d’une personne infectée. En l’absence d’une couverture vaccinale suffisante, chaque malade peut contaminer jusqu’à vingt personnes. Le Maroc avait pourtant réussi à contenir la maladie pendant des années grâce à une large campagne de vaccination infantile. Mais la diminution du nombre d’enfants vaccinés a progressivement ouvert des brèches dans la protection générale, laissant une partie importante de la population vulnérable.

Une épidémie évitable

Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques de santé, insiste auprès de la même source sur la gravité de la situation. «Nous ne parlons pas d’une simple hausse des cas, mais bien d’une épidémie à part entière», affirme-t-il. «La rougeole est une maladie dangereuse, aux complications graves et parfois irréversibles : cécité, encéphalite… Ces risques ne doivent pas être pris à la légère.»

Pour prévenir ces complications, les autorités sanitaires préconisent d’administrer deux doses du vaccin : la première à neuf mois, la seconde quelques mois plus tard. Mais la couverture vaccinale au Maroc est tombée en dessous du seuil critique de 95 %, nécessaire pour empêcher les flambées épidémiques. Dans certaines régions, elle plafonne à 80 %, voire moins.

«Certains parents ont simplement négligé de vacciner leurs enfants, pensant que la rougeole appartenait au passé», explique M. Hamdi. «D’autres rejettent catégoriquement la vaccination, persuadés qu’elle est dangereuse. Ce phénomène existait avant la pandémie, mais le Covid-19 l’a amplifié.»

Une mobilisation nécessaire

Déjà éprouvé par la crise sanitaire de ces dernières années et confronté à un manque de personnel médical, le système de santé marocain doit désormais faire face à un afflux de patients atteints de rougeole, dont environ 10 % développent des complications sévères, telles que des pneumonies ou des atteintes neurologiques. Pour les autorités estiment que la rougeole présente un avantage : elle est plus facile à détecter. La fièvre, les yeux rouges, la toux et l’éruption cutanée caractéristique permettent un diagnostic rapide et une intervention précoce.

Les autorités sanitaires multiplient actuellement les campagnes ciblées pour vacciner les enfants non immunisés et appellent la population à faire confiance à la science. «La seule issue, c’est la vaccination», clame M. Hamdi. «Si nous n’agissons pas maintenant, nous serons confrontés à des épidémies de ce type encore et encore.»

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