Les autorités algériennes ont saisi l’ouvrage L’Algérie juive, l’autre moi que je connais si peu, publié en 2023 aux Éditions Frantz Fanon, dans une librairie d’Alger. L’éditeur du livre a été placé sous contrôle judiciaire tandis que la maison d’édition a été bannie d’un salon littéraire avant d’être contrainte de fermer définitivement ses portes le 14 janvier.
L’ouvrage, signé par l’écrivain Hédia Bensahli, de nationalité franco-algérienne, n’avait pas suscité de débat lors de sa parution. Il explore les liens historiques et culturels entre l’Algérie et sa communauté juive, longtemps intégrée au tissu social du pays avant son exode massif après l’indépendance.
Mais, dans un climat marqué par des tensions accrues entre l’Algérie et la France – notamment depuis la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara et la visite d’Emmanuel Macron à Rabat en octobre 2024 –, les autorités algériennes ont durci leur politique de contrôle idéologique. Cette radicalisation s’est intensifiée après l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal et le contexte international lié à la guerre à Gaza.
Un prétexte politique et des sous-entendus antisémites
Selon Le Canard enchaîné, cette offensive contre l’ouvrage de Bensahli s’inscrit dans une dérive autoritaire du régime algérien, qui cherche à réécrire son histoire et à effacer toute trace du passé juif du pays. Le journal satirique souligne que la préface du livre, signée par l’écrivaine franco-israélienne Valérie Zenatti, a été perçue comme un affront par certains cercles proches du pouvoir, notamment par un député du parti islamiste El-Bina, qui y a vu “une tentative de normalisation culturelle avec l’entité sioniste”.
Dans un emballement qui rappelle les heures sombres de la censure d’État, Valérie Zenatti a même été qualifiée de “génocidaire”, en raison de son service militaire en Israël à la fin des années 1980. Une accusation qui, selon Le Canard enchaîné, relève plus d’une manœuvre populiste que d’une véritable critique littéraire.
Cette affaire incarne le durcissement antisémite et nationaliste du régime algérien sur les questions historiques et identitaires. Alors que de nombreux historiens appellent à une reconnaissance sereine de la diversité culturelle et religieuse de l’Algérie, le pouvoir semble choisir la voie de l’effacement et de la répression, laquelle perdure depuis 1962.