Le gouvernement de coalition de gauche espagnol a affiché jeudi sa rupture sur la réforme d’une loi controversée sur les violences sexuelles, que les socialistes ont réussi à faire voter en s’alliant avec la droite contre leurs alliés de gauche radicale.
Le vote illustre de manière éclatante les profondes divisions de la coalition au pouvoir, à un mois d’élections municipales et régionales et à moins de huit mois d’élections législatives dont la droite est donnée favorite par la plupart des sondages.
« C’est un jour triste, certainement le plus difficile que j’ai connu au Parlement comme ministre », a déclaré aux députés, le visage fermé, la ministre de l’Egalité, Irene Montero, porte-étendard de la loi et qui s’opposait aux termes de la réforme voulus par les socialistes du Premier ministre Pedro Sánchez.
« Ce n’est pas une avancée, mais un recul pour les droits des femmes », a ajouté cette dirigeante de Podemos, la formation de gauche radicale alliée des socialistes au sein du gouvernement, qui est minoritaire à l’assemblée.
La réforme a été votée par 233 députés, dont les socialistes et les députés du Parti populaire (PP, droite conservatrice), la principale formation de l’opposition, tandis que 59, dont ceux de Podemos, ont voté contre et que quatre se sont abstenus. Le texte va maintenant aller au Sénat, où son adoption ne fait pas l’ombre d’un doute.
Se réjouissant d’avoir ouvert une brèche au sein de l’exécutif, les députés du PP ont chaudement applaudi l’adoption du texte, contrairement aux socialistes.
Surnommée « Seul un oui est un oui » (« Sólo sí es sí »), cette loi contre les violences sexuelles, portée par Podemos et entrée en vigueur en octobre, a introduit l’obligation d’un consentement sexuel explicite, une promesse faite par le gouvernement de gauche après un viol collectif qui avait indigné le pays il y a quelques années.
Mais en éliminant le délit d’ »abus sexuel », qui entraînait dans l’ancien code pénal des peines plus faibles, pour ne retenir qu’un seul délit global d’ »agression sexuelle » incluant le viol, cette loi a paradoxalement abouti au résultat inverse de celui recherché en abaissant les peines pour certains types de violences sexuelles.
Ce qui a eu pour effet pervers, à ce jour, de réduire les peines d’environ mille condamnés et d’en faire sortir de prison une centaine. En Espagne, les peines sont modifiées rétroactivement si un changement du Code pénal bénéficie aux condamnés.
Conscient de l’impact dévastateur d’une telle situation en cette année électorale, Pedro Sánchez a poussé ces derniers mois pour une réforme la plus rapide possible, allant jusqu’à demander « pardon » dimanche aux victimes.
« Nous avons seulement corrigé ce qui n’était pas bien dans la loi, tout en maintenant son essence », a assuré le président du groupe socialiste au congrès des députés, Patxi López.
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Afin d’éviter les réductions de peines entraînées par la loi, la réforme introduit de nouvelles peines plus lourdes en cas de violence ou d’intimidation. Des notions qui avaient justement disparu du Code Pénal avec la loi du « seul un oui est un oui », bâtie autour du concept de consentement explicite.
Cette révision a provoqué des semaines d’échanges acrimonieux entre les socialistes et Podemos, qui a toujours soutenu que les réductions de peines étaient dues à la mauvaise interprétation de juges « machistes » et non à une mauvaise rédaction du texte.
Confronté au refus farouche de Podemos de céder et pressé par le calendrier électoral, le Parti socialiste n’a eu d’autre choix que de se mettre d’accord avec le Parti populaire.