Entre machisme, sexisme et misogynie, la triple peine des femmes marocaines

Certains artistes continuent de répandre les clichés les plus courants, en représentant la femme marocaine comme un objet sexuel, mauvais, débridé et débauché, ayant pour seul visée dans la vie de satisfaire les désirs illicites des mâles occidentaux. Derrière ces images, une ignorance crasse et une impunité qui dure.

«Depuis la sortie, le 4 novembre, de son nouvel album, co-signé par le Britannique 21 Savage, le rappeur canadien Drake est sous le feu des critiques des internautes marocains. En cause, les paroles du morceau Jumbotron Shit Poppin, jugées insultantes envers les femmes du royaume chérifien. À raison, puisque la superstar nord-américaine évoque nommément les Marocaines avec une misogynie très assumée», écrit Jeune Afrique dans un édito, affirmant qu’un hashtag, #BoycottDrake, exige de prendre des distances avec le chanteur.

Un autre extrait, cette fois télévisé, a provoqué une vive polémique, «tiré de la dernière saison des Kassos, une série comique produite par Canal+ depuis 2013 et relancée en 2022 après plusieurs années d’arrêt, dans laquelle des personnages de la pop culture défilent dans le bureau d’une assistante sociale», décrit Jeune Afrique. «L’épisode 91, Naroute Contendeurs, met en scène les protagonistes du célèbre manga japonais Naruto se défiant sur des duels de rap. «Ta petite mère la sorcière marocaine, je lui fais du sale comme Hinata contre Pain », déclame l’un d’eux, en référence à un arc narratif du manga. Un mois après la sortie de l’épisode, le hashtag #BoycottCanal pullule sur le réseau social fraîchement racheté par Elon Musk, les usagers se focalisant cette fois sur le racisme véhiculé plus que sur la misogynie», a-t-on précisé.

Marrakech du rire, un rendez-vous qui cristallise les critiques

Le Marrakech du rire est accusé depuis des années de véhiculer des idées ethnocentriques, dans le cadre d’un autre projet d’assujettissement de la femme à usage interne. Des traits d’humour sur l’infériorité biologique des femmes, sur la supériorité de l’«Occident civilisé» agressaient et maltraitaient les femmes, devait être utilisée dans la rhétorique du colonialisme, pour rendre moralement justifiables les projets visant à défaire ou anéantir les cultures des peuples colonisés. Puisque le monde islamique était considéré comme un ennemi (voire même, l’Ennemi) depuis les croisades, le colonialisme disposait d’un vaste choix

«Les personnes choquées par cette vanne, alors que les Kassos taillent littéralement tout le monde depuis des années, sont les mêmes qui rigolent devant le Marrakech du rire [MDR], bande d’acteurs», proteste un internaute cité par le magazine panafricain, en référence au festival annuel organisé par Jamel Debbouze. Un autre internaute est plus amer : «Fatiguant le Marrakech du rire, sérieux, c’est rempli de clichés qu’on combat au quotidien. […] Des vannes sur la Royal Air Maroc, l’accent arabe…», dénonce un internaute dans un tweet publié le 22 juillet. «Aujourd’hui, les pays du Maghreb ont évolué, la jeunesse explose les records de jeunes médecins et ingénieurs…».

Pour beaucoup, il est difficile de sacrifier une spectacle qu’on dit à fort taux d’audience uniquement par respect pour les femmes, mais il s’accordent à dire que la représentation de la femme marocaine qu’il promeut a fait la fortune des Debbouze. Au-delà d’une sorte de folklore grotesque et affligeant, les associations marocaines font un usage contrasté et timide des procédures offertes par le droit et la déontologie contre les messages sexistes diffusés contre les femmes marocaines. Faiblement mobilisées devant les juridictions et l’instance de régulation de l’audiovisuel, elles se contentent de quelques indignations qui ne font pas avancer les choses.

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