Enquête pour viol visant Omar Radi : Hafsa Boutahar, la victime impossible

Omar Radi est dénoncé pour des faits de violence sexuelle sur une collègue journaliste à l’été 2020. L’irruption soudaine, bruyante, dans cette affaire de droit commun, de quelques voix agitées qui diffament Hafsa Boutahar et tentent d’éclipser sa parole, interpelle. La justice, gardienne des lois, se prononcera sur le cas Radi mais rien ne saurait excuser l’intrigue, la médisance, le mensonge et la haine à l’égard de sa plaignante.

«Je représente toutes les femmes qui ont été harcelées, insultées, réduites au silence, traînées dans la boue ou ridiculisées pour avoir osé parler publiquement. Personne dans ce pays ne devrait être au-dessus de la loi», déclame Hafsa Boutahar, qui dit avoir été violée dans la nuit du 12 au 13 juillet 2020 par Omar Radi. «Je défends mon droit à la dignité. [ils veulent] me tuer, ils sont en train de me tuer» s’indigne la jeune femme, faisant référence à ceux qui ont pris fait et cause pour «son bourreau».

Omar Radi est accusé à la fois d’avoir reçu des «financements étrangers», d’«atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat» et de «viol» dans deux affaires jugées conjointement par la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca. Ses défenseurs et soutiens, ainsi que certaines ONG, dont Amnesty et Human Rights Watch, ont appelé les autorités marocaines à remettre Omar Radi «en liberté provisoire» malgré la gravité des charges qui pèsent sur lui. «On cherche toutes les excuses du monde pour un homme qui a abusé de moi lors d’un rapport sexuel non consenti», tempête Mme Boutahar.

Hafsa Boutahar souffre doublement : de son vécu de femme violée et de la réaction d’une partie de l’opinion publique, qui lui apparaît insouciante de ses souffrances, sourde à ses plaintes, indifférente au succès de ses efforts de faire connaître la vérité. «Ce viol est une sidération. C’est une effraction, une mise à mort. Je me sens éclatée, morcelée. Ma vie actuelle passe par de longs moments d’errance et de tâtonnement» a-t-elle déploré. Au-delà du viol, Hafsa Boutahar, soumise aujourd’hui à une condition assez dure, se sent comme étrangère à elle-même, mutilée dans sa chair, figée dans un statut improbable, marquée au fer rouge, comme stigmatisée par les réactions inamicales à son encontre. «Je ne peux rien prévenir, rien repousser. Tout porte coup, parce que tout est caché, ourdi», déplore Mme Boutahar.

Sur les réseaux sociaux, l’entourage de Omar Radi s’est livré, depuis quelques jours, aux plus violents déchaînements, à de révoltants excès destinés à remettre en cause l’intégrité morale de Hafsa Boutahar. Un déferlement de haine qui a répandu, sans preuve, l’outrage, la diffamation, la calomnie, lequel n’a respecté ni la loi, ni la dignité des institutions, ni l’honneur d’une femme en souffrance, ni la vie privée, ni la vie publique.

«C’était presque un attentat numérique contre Hafsa Boutahar ! Pour ménager les apparences, certains comptes, souvent sous couvent d’anonymat, se jetaient dans les détours et les actions concertées. Ils imaginaient toutes sortes de liens entre le métier de Omar Radi et ses démêlés juridiques», déclare une militante des droits humains.

Plus d’une femme sur deux a été victime d’une forme de violence au Maroc en 2019, selon les statistiques officielles. Le Maroc a adopté en 2018 une loi contre les violences faites aux femmes, rendant pour la première fois passible de peines de prison les actes «considérés comme des formes de harcèlement ou de mauvais traitement».

«C’est une caractéristique de l’esprit de coterie, de combinaison, d’être le plus souvent à côté des questions qui s’imposent. Hafsa Boutahar est une victime de viol. Le premier mouvement des défenseurs de Omar Radi a été de voir s’il n’y aurait pas quelque moyen de nier sa souffrance, de l’infirmer ou de l’atténuer. Tout cela au détriment du sens des grandes réalités, de la mesure exacte des choses et des droits de Mme Boutahar» a indiqué une source proche du dossier.

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