Il était une fois, dans des temps de gloire, en 2007, une certaine Rachida Dati, qui s’est vue récompenser, en symbole de la diversité, par une prestigieuse place dans le gouvernement. Le président français, Nicolas Sarkozy, fraichement élu voyait en elle le modèle de l’intégration réussie. Au bout d’une année, la position de la ministre de la Justice, critiquée de tous bords pour bavures judiciaires et incompétence, était devenue quasi-intenable. Et du coup, la Garde des Sceaux qui a émergé d’une famille marocaine de douze enfants pour arriver au sommet de la réussite sociale, devient détestable.
Rachida Dati, à titre de rappel, quoique française de naissance, grade un attachement inaltérable envers ses origines marocaines. ‘’Je suis née en France, élevée dans un environnement socioculturel français, mais je suis très attachée à mes origines. Vous ne pouvez pas échapper à ce que vous êtes, dans vos réactions, dans vos comportements et dans vos gênes. Je suis très liée à ma terre d’origine où je me rendais depuis que j’étais enfant. Mes parents sont enterrés au Maroc et, quand ce lieu accueille pour sa dernière demeure les personnes que vous avez aimées le plus au monde, cela veut dire que votre lien avec lui est inaltérable. D’autant que c’est un pays fascinant et exceptionnel aussi, par sa diversité culturelle et ses traditions de générosité et d’hospitalité légendaires’’, m’avait-elle confiée dans son bureau, lors de sa première élection comme maire du 7e arrondissement de Paris.
Congédiée du gouvernement par la volonté de Sarkozy et exilée à Strasbourg (siège du Parlement européen), la nouvelle députée européenne de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) avait fait savoir qu’elle retournerait un jour. ‘’L’aventure n’est pas terminée’’, avait-elle lancé en faisant ses adieux à ses collègues ministres et députés, allusion à un futur retour sur la scène politique française. Et de poursuivre qu’‘’il n’y a ni mauvais souvenirs, ni rancœur, ni rancune’’, mais au contraire ‘’des bons souvenirs et des bons amis’’.
Tous les stratagèmes ont été utilisés pour l’extirper du gouvernement : rumeurs hostiles, campagne de presse pour saper son travail, déstabilisation via ses proches collaborateurs. Rien n’a été épargné pour signifier sa disgrâce à Rachida Dati, qui a fait preuve d’une capacité de résistance hors-norme.
J’avais à l’époque, pour mémoire, signalé dans une chronique au journal arabophone, ‘’Al-Massae’’, un départ pressant de Rachida Dati, victime de ses origines et de son identité. Jamais aucune campagne n’a été aussi conditionnée et amplifiée par l’entourage de Sarkozy contre un membre de gouvernement, comme ce fut le cas avec Dati. Même sa décision de reprendre le travail après cinq jours seulement de sa sortie de la clinique après accouchement, a été interprétée par la presse et par certains milieux hostiles, comme un empressement de sa part pour ne pas perdre son portefeuille de ministre. Elle l’a pourtant perdu.
Et pour se débarrasser de celle érigée en emblème de ‘’la diversité française’’, le président Sarkozy n’avait finalement accordé à sa ministre qu’un petit sursis de deux semaines après la naissance de sa petite Zohra. Son sort était scellé et la chute brutale. Identité ou incompétence ? certainement les deux pour Sarkozy qui s’est abstenu de toute éloge à son égard, lors de l’annonce de son départ. Aucune allusion à ses compétences. Aucune référence à ses réformes au sein du ministère de la Justice. Pour lui, Dati est d’abord le modèle de ‘’la diversité’’ au gouvernement. Une qualité que Rachida Dati ne semble plus partager. Elle n’admet plus ce rôle de ‘’l’arabe de service’’.
À quelques jours de son départ, Dati a tenu à contrecarrer les critiques injustes et infondées de ses détracteurs, en publiant une brochure de 102 pages listant les réformes qu’elle a menées pendant deux ans à la tête de son ministère de la Justice. Mais ses détracteurs, toujours très nombreux, lui reprochaient d’avoir publié cette brochure ‘’dans le plus grand secret’’ et avec le seul but de ‘’vanter son bilan’’ au ministère.
Dati est aujourd’hui de retour. Lynchée pour sa culture marocaine en 2009, elle revient en 2024 à la tête de la Culture des Français pour la diffuser auprès de ceux qui ont en sont les plus éloignés. Et c’est pour cela qu’elle explique sa nomination par un ‘’problème d’intégration’’ dont la culture constitue la plus grande réponse.
Elle ne semble pas trop se soucier des propos encore ‘’malveillants’’ de ses détracteurs. Et même si sa cote a fléchi ces dernières années, elle restera l’une des ministres les plus populaires et quoi qu’on dise, une des grandes figures de la droite française d’aujourd’hui.