Pour obtenir un peu de gaz de l’Algérie, la France a entamé une censure en douceur visant les voix critiques du régime algérien. Du jamais vu.
CNews, chaîne de télévision française d’information nationale en continu, a annulé, dimanche 2 octobre à la dernière minute, une rencontre programmée depuis une semaine avec le président du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK, indépendantiste) Ferhat Mehenni, sans donner d’explications.
Selon les sources de Barlamane.com, les hautes sphères de l’État français sont intervenues pour faire annuler l’entretien où M. Mehenni allait dévoiler des vérités dérangeantes sur le régime algérien. Cette décision intervient avant le déplacement de la première ministre française Élisabeth Borne en Algérie les 9 et 10 octobre. Cette dernière tiendra avec son homologue algérien Aïmene Benabderrahmane un comité intergouvernemental où des annonces seraient faites sur une possible augmentation des livraisons de gaz algérien en direction de la France, en pleine crise énergétique conséquence de la guerre en Ukraine.
Comme nous l’avions mentionnée dans nos colonnes, la réunion de très haut niveau qui a réuni à Alger fin août les présidents et les services de sécurité des deux côtés, y compris l’armée, «pour la première fois depuis l’indépendance» de l’Algérie en 1962, a été l’occasion pour le régime algérien de réclamer de Paris quelques noms qui luttent à l’étranger contre la gérontocratie algérienne depuis de longues années.
Les comités intergouvernementaux qui unissent les deux pays, dont le CIHN, le comité mixte économique franco-algérien ou encore le comité de dialogue stratégique algéro-français, sont au point mort. Le régime algérien ne veut accorder aucune concession à l’ancien colonisateur sans obtenir des réponses affirmatives à ses exigences. Les flux de gaz russe vers la France se sont totalement taris fin août, après l’annonce par le géant russe Gazprom de la suspension totale de ses livraisons au groupe français Engie. Une donne que le régime algérien entend employer pour manipuler Paris, qui redoute un hiver rigouneux.
Début septembre, le journal «Le Monde» a retiré de son site une tribune sur la visite du président Emmanuel Macron en Algérie. Il a été la cible d’accusations de censure. «Retirer une tribune pour une citation de Macron qui lui déplaît ! Nouvelle étape dans l’affaissement d’une presse autrefois référence», avait ainsi tweeté le leader de La France insoumise, (LFI) Jean-Luc Mélenchon. Selon des sources concordantes, c’est Emmanuel Macron lui-même qui a réclamé le retrait de la tribune.
M. Mehenni a dénoncé à maintes reprises «l’obsession» du pouvoir algérien à qualifier l’organisation pacifiste qu’il préside de «terroriste». «Depuis quelques mois, les autorités algériennes font tout pour nous salir, nous intimider», a affirmé M. Mehenni en 2021, dénonçant «l’obsession d’Alger à faire du MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) une organisation terroriste».
En avril 2021, le MAK, considéré comme illégal en Algérie, avait été accusé sans aucune preuve par le pouvoir algérien de projeter des attentats contre les marches du mouvement prodémocratie du Hirak, avant de le classer comme «organisation terroriste», ainsi qu’un mouvement islamo-conservateur, Rachad, également basé à l’étranger, plus précisément à Londres.
Né dans le sillage du «Printemps kabyle» de 2001, le MAK est accusé par les autorités algériennes d’avoir des visées «séparatistes», un prétexte fourre-tout pour persécuter le mouvement. La Kabylie est une région berbérophone du nord-est de l’Algérie qui conteste la légitimité du régime actuel. Elle est l’un des fiefs du Hirak.