Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a mis en garde contre «l’irréparable» dans les relations entre l’Algérie et la France, dans un entretien accordé à L’Opinion, où il revient sur les tensions persistantes entre les deux pays. «Le vent s’est levé en cet après-midi d’hiver», écrit-il en référence aux tourments actuels qui secouent les relations entre les deux pays.
Dans un entretien exclusif accordé à L’Opinion, le président algérien Abdelmadjid Tebboune s’est livré à une analyse morose des relations entre l’Algérie et la France, marquées par des tensions persistantes sur des questions mémorielles, diplomatiques et géopolitiques. Tour à tour extravagant, amer et inflexible, le chef du régime algérien a mis en garde contre le risque de «l’irréparable», dénonçant des positions françaises jugées hostiles.
«Nous traversons une crise sans précédent depuis 1962 [avec la France]», affirme Tebboune, soulignant la gravité de la situation actuelle. «Ce n’est pas une simple crise diplomatique, c’est une crise de confiance. J’ai prévenu le président Macron : il faut faire attention à ne pas raviver des blessures encore vives. Nous ne voulons pas d’une relation fondée sur le mépris ou l’arrogance.» Pour le président algérien, les récentes déclarations de responsables politiques français, perçues comme des provocations, ne font qu’aggraver cette défiance. «Tout ce qui est Retailleau est douteux, compte tenu de ses déclarations hostiles et incendiaires envers notre pays. L’Algérie n’est pas un sujet de débat pour les ambitions électorales de certains politiciens français.»
Cette crise diplomatique s’enracine également dans des divergences profondes sur des dossiers régionaux sensibles, au premier rang desquels la question du Sahara, obsession immuable du régime. Tebboune a clamé que «la France doit cesser de jouer un double jeu sur la question du Sahara. Nous ne tolérerons pas de position ambiguë qui favoriserait la marocanisation de ce territoire (sic!). C’est une provocation inacceptable.» Il a rappelé ce qu’il appelle la ligne rouge d’Alger : «Ceux qui pensent que l’Algérie va se taire face à des manœuvres politiques trompeuses se trompent lourdement. Le Sahara est une question de principe, pas de compromis. Nous défendrons le droit des peuples à l’autodétermination, quoi qu’il en coûte.» Pourtant, Alger n’a jamais réprimandé Washington pour son soutien à l’intégrité territoriale du Maroc, qui date pourtant de 2020.
S’agissant d’Israël, Tebboune a déclaré : «Nous sommes prêts à normaliser nos relations avec Israël [mais] les accords sont des illusions vendues par ceux qui ont oublié l’histoire.»
Sur la question de l’immigration, Tebboune fustige l’instrumentalisation politique du sujet en France. «Il y a peu d’entrées illégales. La plupart de mes compatriotes arrivent en France avec des visas pour étudier ou exercer comme médecins, avocats, ingénieurs, sans que cela pose de problème aux autorités. Ceux qui crient au scandale cherchent des prétextes pour nourrir la xénophobie.» S’attaquant frontalement à l’extrême droite, il s’interroge : «Je me demande comment Madame Le Pen s’y prendrait si elle arrivait au pouvoir. Veut-elle une nouvelle rafle du Vel d’Hiv ? Va-t-elle parquer tous les Algériens avant de les déporter ?»
Enfin, Tebboune a tenu à rappeler que l’Algérie n’acceptera jamais de relations déséquilibrées avec Paris. «Nous souhaitons des relations d’égal à égal, fondées sur le respect mutuel et la non-ingérence. Si certains veulent raviver des tensions coloniales, qu’ils sachent que l’Algérie d’aujourd’hui n’est plus celle de 1962. Nous sommes un pays souverain, fier de son indépendance, et nous n’accepterons aucune ingérence, d’où qu’elle vienne.»