L’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, figure intellectuelle critique du régime d’Alger, suscite un tollé en France. Les autorités algériennes le soupçonnent d’atteinte à la sécurité nationale, une accusation dont la justification repose en grande partie sur un dîner privé qu’il aurait partagé avec Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie.
Selon les éléments avancés par Abdelmadjid Tebboune qui s’est confié au journal L’Opinion, ce dîner, intervenu «juste avant son départ à Alger», aurait été l’occasion pour M. Sansal de s’entretenir avec une personnalité diplomatique considérée comme proche de cercles influents à Paris, notamment du ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, connu pour ses positions critiques à l’égard du régime algérien. Le président Abdelmadjid Tebboune, tout en évitant d’évoquer directement les charges pesant sur l’écrivain, a laissé entendre que cette rencontre pourrait ne pas être fortuite. «Ce n’est pas un problème algérien, c’est un problème pour ceux qui l’ont créé», a-t-il déclaré, suggérant que M. Sansal serait l’instrument d’une manœuvre extérieure.
L’arrestation de l’auteur de 2084 et du Serment des barbares intervient dans un contexte où Alger durcit sa position à l’égard des binationaux et des personnalités perçues comme proches des sphères d’influence occidentales. Si d’autres cas de franco-algériens inquiétés par la justice locale ont déjà été recensés, la rapidité et la sévérité des mesures contre M. Sansal a étonné. Son acquisition récente de la nationalité française – il n’est officiellement devenu citoyen que depuis cinq mois – pourrait-elle avoir été perçue comme un geste de défiance par Alger ?
À Paris, l’affaire prend une tournure diplomatique. Emmanuel Macron a dénoncé une Algérie «qui entre dans une histoire qui la déshonore», tandis que plusieurs intellectuels et figures politiques réclament une intervention officielle des autorités françaises. La mobilisation en faveur de Sansal contraste avec le sort d’autres binationaux détenus en Algérie, dont les cas n’ont pas suscité un même niveau d’indignation.
Du côté algérien, le discours officiel reste marqué par une ligne défensive qui sombre dans le déni. Si aucun détail précis n’a été livré sur la nature des accusations portées contre Sansal, le pouvoir affirme que «la justice suivra son cours.» Une déclaration qui, dans un pays où le pouvoir judiciaire est souvent perçu comme inféodé à l’exécutif, ne dissipe guère les inquiétudes des défenseurs des droits humains.